Entretien avec Amandine Verne, Ergothérapeute et Responsable d'Hestia Formation
Aujourd’hui, c'est Amandine Verne, Ergothérapeute spécialisée dans l’intervention précoce chez les 0-4 ans avec difficultés sensorimotrices, Formatrice et Créatrice d'Hestia Formation qui dévoile son parcours.
1. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et comment vous vous êtes spécialisée en petite enfance et dans le domaine du handicap moteur ?
Je suis diplômée de 2014 de l'IFE de Montpellier j'ai d'abord consacré ma pratique à la prise en charge en rééducation fonctionnelle et réadaptation des adultes dans un hôpital de jour en salariat. 2 ans et demi plus tard je me rends compte que le salariat n'est pas fait pour moi et que la lenteur des mises en place de projet est un vrai frein à mon bien-être professionnel. Je me lance en libéral en 2016, tout d'abord dans un public très diversifié (aménagement de domicile, rééducation post AVC, rééducation et mise en place d'aménagements pour les enfants porteurs de troubles des apprentissages) puis en 2017, une rencontre va bouleverser ma vie professionnelle, le suivi d'une petite Léna, 2 ans et demi atteinte d'un polyhandicap.
Très rapidement je fais la connaissance d'Adeline Avril et Elsa Thevenon qui me feront découvrir le monde de l'intervention précoce et de celui de la rééducation intensive. C'est un déclic pour moi, s'ensuit de nombreuses formations (notamment le CUNFI et C.M.E. à Toronto et une trentaine d'autres formations réalisées, oui je pense que l'on peut parler d'addictions).
En 2018/2019, je commence les rééducations intensives et c'est désormais mon quotidien. Suite à l'arrivée d'Hestia en 2020, mon emploi du temps a été très chamboulé et cela a été l'occasion de me consacrer uniquement aux stages intensifs pour les 0-4 ans.
L'histoire est longue mais j'ai essayé de la résumer au maximum.




2. Quels sont, selon vous, les défis actuels pour les professionnels travaillant en petite enfance et en handicap moteur ?
La France est très en retard sur le domaine de l’intervention précoce. J'entends encore chaque jour au cabinet des parents me formuler que tel ou tel professionnel leur a dit "Non mais il est trop jeune", "trop fatigable" (souvent diagnostic = fatigabilité pour eux ce qui n'est pas toujours vrai) ou encore le célèbre "non mais laissons-lui un peu de temps, ça va s'arranger en grandissant". C'est bien dommage d'éviter en bloc ces interventions précoces des pros de santé (et pas seulement des ergothérapeutes) sous le prétexte que l'on n'est pas encore sûr que l'enfant ait un diagnostic ou parce qu'il est seulement très jeune. Quand je vois le niveau d'activité d'un enfant de moins d'un an c'est nier toutes les incroyables connexions neuronales qui se déroulent dans ces premières années de vie. Il est bien sûr nécessaire d'adapter notre intervention aux difficultés de l'enfant, à ses compétences et à ses difficultés.
3. Vous animez plusieurs formations chez Hestia Formation. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces formations et à qui elles s’adressent ?
Oui, je réalise 3 formations dans l'organisme.
La première formation "Comprendre l'exercice libéral de l'ergothérapeute" est une des formations fondatrices d'Hestia. Cette formation a été réalisée dans la continuité des questionnements que je recevais depuis la création du groupe des ergothérapeutes libéraux dont je suis l'administratrice. Elle est destinée aussi bien aux ergothérapeutes qui souhaitent s'installer en libéral que pour ceux qui souhaitent se remettre à jour. On nous forme à la base de l’ergothérapie mais on ne nous forme pas à être des entrepreneurs. Et pour réussir son libéral, pour moi il est nécessaire d'être au clair sur cette double casquette.
Je réalise également la formation "le développement de l'enfant ordinaire de 0 à 4 ans" avec ma binôme Marie Piccardi, pour moi la deuxième formation fondatrice d'Hestia. Cette formation est née de deux constats : le premier « nous sommes formés au handicap mais pas au développement classique de l'enfant ». Dans mon quotidien lorsqu'un enfant a un diagnostic la moindre difficulté est associée à ce diagnostic et pourtant parfois l'enfant n'a juste pas atteint l'âge de cette acquisition et un soutien de ses compétences actuelles peut être suffisant sans partir sur des techniques de rééducation spécifique. Il est nécessaire d'avoir ces connaissances de base pour intervenir auprès de la petite enfance de manière adaptée. Le deuxième constat, c'est le manque de cours théoriques et pratiques lors de nos études. J'espère qu'avec les futures réformes et peut-être la possibilité d'une spécialisation, les professionnels de santé seront mieux formés au développement ordinaire de l'enfant (car ce problème ne concerne pas que les ergothérapeutes).
La troisième formation que je réalise avec mon binôme Adeline Avril est : "l'intervention de l'ergothérapeute auprès des enfants porteurs de handicap moteur de la petite enfance à l'enfance". Cette formation est en continuité de la formation" développement ordinaire de 0 à 4 ans" pour permettre aux ergothérapeutes d'avoir les connaissances nécessaires pour intervenir précocement auprès d'enfants ayant des retards dans leur développement sensorimoteur ou des diagnostics de handicap moteur (paralysie cérébrale, AVC, syndrome génétique, maladies neuromusculaires…)
4. Comment adaptez-vous votre enseignement en fonction des différentes disciplines que vous enseignez ?
J'ai un léger traumatisme des cours devant un diaporama lu par les professeurs sans aucune vie ni interactions. Ceux qui sont déjà venus en session avec moi savent que je ne tiens pas en place et que pour moi une pédagogie active et qui captive, c'est la base même d'une formation réussie.
5. Quels conseils donneriez-vous aux professionnels qui souhaitent se former en libéral, en petite enfance ou en handicap moteur ?
Les choses évoluent lentement dans notre pays mais elles évoluent. Et je pense que s'il y a un moment pour se lancer dans le libéral et dans l'intervention précoce c'est maintenant.
La création des pôles santés, CPTS, parcours divers et variés (PCO, Cocon...) sont de nombreuses occasions pour travailler en pluridisciplinarité et avancer ensemble vers une prise en charge de qualité et ultra-précoce. Je suis une éternelle optimiste, malgré le contexte économique tendu, j'y crois totalement, car cette intervention précoce a également l'objectif de diminuer les coûts sur le long terme. En intervenant précocement c'est aussi permettre à ces enfants d'être plus autonome et indépendant au quotidien, à ces familles de pouvoir être soutenues correctement, à ces fratries d'être le moins impacté possible. Le chemin est encore long. Mais j'ai vraiment envie d'y croire, et si nous, professionnels de santé ne le portons pas, qui le portera ? Nous ne pouvons pas laisser les familles de ces enfants porter seules ce poids.
6. Avez-vous une anecdote ou un retour d’expérience marquant d’un stagiaire ayant suivi l’une de vos formations ?
Question complexe car des anecdotes il y en a énormément : des interviews télé avec la télé nationale belge, des formées sur le point d'accoucher au moment de la formation, des fous rires, des formées coincées sur l'autoroute à aller chercher, des repas sur des péniches, des petites filles très mignonnes emmenées en formation développement ordinaire de 0 à 4 ans ...
Il n'y a pas à dire faire des formations c'est l'ouverture à beaucoup d'expériences. Mais je crois qu'une des meilleures d'entre elles ce sont vos retours post-formation quand nous apprenons que grâce à cette formation vous vous êtes lancés dans tel ou tel domaine. Ça n'a pas de prix.



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